viernes, 22 de enero de 2016

Lettre dédicace de Marguerite Duras






1984
Le libre aurait pu s’intituler : l’Amour dans la rue ou Le Roman de l’amant ou L’Amant recommencé. Pour finir on a eu le choix entre deux titres plus vastes, plus vrais : L’Amant de la Chine du Nord ou La Chine du Nord.
J’ai appris qu’il était mort depuis des années. C’était en mai 90, il y a donc un an maintenant. Je n’avais jamais pensé à sa mort. On m’a dit aussi qu’il était enterré à Sadec, que la maison bleue était toujours là, habitée par sa famille et des enfants. Qu’il avait été aimé à Sadec pour sa bonté, sa simplicité et qu’aussi il était devenu très religieux à la fin de sa vie.
J’ai abandonné le travail que j’étais en train de faire. J’ai écrit l’histoire de L’amant de le Chine du Nord et de l’enfant : elle n’était pas encore là dans L’Amant, le temps manquait autour d’eux. J’ai écrit ce livre dans le bonheur fou de l’écrire. Je suis restée un an dans ce roman, enfermée dans cette année-là de l’amour entre le Chinois et l’enfant.
Je ne suis pas allée au-delà du départ de paquebot de ligne, c’est-à-dire le départ de l’enfant.
Je n’avais pas imaginé du tout que la mort du Chinois puisse se produire, la mort de son corps, de sa peau, de son sexe, de ses mains. Pendant un an j’ai retrouvé l’âge de la traversée du Mékong dans le bac de Vinh-Long.
Cette fois-ci au cours du récit est apparu tout à coup, dans la lumière éblouissante, le visage de Thanh ­— et celui du petit frère, l’enfant indifférent.
Je suis restée dans l’histoire avec ces gens et seulement avec eux.
Je suis redevenue un écrivain de romans.



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