lunes, 4 de enero de 2016

Lettre d’Albert Camus à René Char







Mon cher René,
Oui, je crois comprendre ­— et je suis avec vous. La vérité est qu’il faut rencontrer l’amour avant de rencontrer la morale. Ou sinon, les deux périssent. La terre est cruelle. Ceux qui s’aiment devraient naître ensemble. Mais on aime mieux à mesure qu’on a vécu et c’est la vie elle-même qui sépare l’amour. Il n’y a pas d’issue — sinon la chance, l’éclair — ou la douleur. […]
Je vous écris du lit. Une rechute de ma vieille maladie. Six semaines à l’horizontale et puis ce seront des mois de montagne. Le retranchement est difficile. J’ai passé l’âge du rêve. Et puis mon effort constant a été de repousser la solitude, la différence, l’intime. Je voulais être avec. Mais il y a une destinée, c’est là ma seule croyance. Et pour moi, elle est dans cette lutte où rien n’est facile.
Je vous écris comme à mon ami, et à mon frère. Mais ne me croyez pas trop triste, vous savez que j’ai de la philosophie. Je fais des vœux les plus chaleureux et j’appelle la chance sur vous…
À bientôt, avec toute mon affection.
Albert Camus





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